Maluïn: Tribulations d’un drelïn (Part:2)

A écouter sur Youtube: https://youtu.be/Y7cyfn5GLRE

Le charme de l’inconnue (partie 2)

Les jours passèrent, j’explorai les alentours, posai quelques pièges et commençai à reprendre des forces. Baies, lézards et petites créatures de la taille d’un rat furent mis au menu. L’île semblait immense, mais relativement plane car même après avoir grimpé, et manquer de me tuer à de nombreuses reprises, aux arbres les plus haut que je réussi à trouver, l’horizon ressemblait à un tapis vert et mousseux sur les kilomètres carrés. Quelques îlots rocheux se détachaient ici et là, dont les formes évoquaient parfois dômes et flèches de bâtiments depuis longtemps disparus. Outre les animaux sauvages, qui par chance ne paraissaient actifs que la nuit, l’évidence fini par me sauter aux yeux : je n’étais pas seul.

Au pied de mon repaire, deux pieds humains, certes de petites tailles, avaient laissé leurs empreintes, à peine visibles, dans la terre qui bordait le bassin. Je sentis non loin de moi, à travers les feuillages, le regard de mon visiteur et tout en restant discret, je fis comme si mes sens de guerrier ne l’avait point repéré. Jusqu’à la nuit tombé je vaqua à mes occupations de survie, essayant à chaque instant de garder sa curiosité en alerte, en attendant le moment propice pour le surprendre.

La nuit était tombée comme un voile sombre sur la jungle oppressante. J’avais passé la journée à préparer mon piège rudimentaire, aux aguets, conscient de mon invité qui se dissimulaient dans l’ombre. Les murmures du vent à travers les feuilles et le croassement lointain des créatures nocturnes avaient accentué mon sentiment de vigilance. Soudain, un mouvement furtif attira mon attention. Une silhouette se faufilait entre les arbres, silencieuse comme une ombre. Je resserrai instinctivement ma prise sur ma lance, prêt à faire face à tout éventualité.

L’intrus s’approchait dangereusement de mon piège habilement dissimulé parmi les racines noueuses d’un arbre géant. Un filet ingénieusement tissé se tendit alors que la silhouette avançait, capturant sa proie dans une étreinte indéfaisable. Un cri étouffé déchira la nuit, suivi du bruit sourd d’un corps s’effondrant. Je m’avançai prudemment vers le piège, prêt à affronter un animal sauvage ou un ennemi sournois. Mais ce que je découvris me surprit au-delà de toute attente : une jeune femme, les cheveux sombres et les yeux étincelants de défi. Sa peau brune et ses traits délicats trahissaient une majesté naturelle.

Elle se débattait avec fureur dans les mailles du filet, sauvage et indomptable malgré sa capture. Je la contemplai un instant, étonné par sa beauté farouche et sa résilience. Nos regards se croisèrent dans le silence tendu de la jungle, où se mêlaient la suspicion et la curiosité.

« Qui es-tu ? » demandai-je d’une voix rauque, méfiant malgré mon étonnement.

Elle me fixa avec méfiance, mais une lueur d’intérêt passa fugitivement dans ses yeux sombres. Puis son naturel sauvage dû reprendre le dessus car elle m’envoya un cracha qui manqua de peu mon visage. Je passa finalement la nuit à lui parler, à l’écouter maugréer dans un dialecte incompréhensible et à se débattre dans son filet. Au petit matin, épuisée, la sauvageonne s’était calmée, même s’il subsistait une lueur de défi dans ses beaux yeux noirs.

Le village

Le soleil brûlait la canopée au-dessus de ma tête, projetant des rayons dorés à travers les frondaisons touffues de la jungle. Les cris stridents des oiseaux exotiques et le bourdonnement incessant des insectes formaient une symphonie sauvage qui remplissait l’air humide. J’avais marché pendant des heures, guidé par la jeune autochtone dont le nom m’était encore inconnu. Sa peau était comme le cuir tanné par le soleil, ses mouvements silencieux et assurés trahissaient une connaissance profonde de cet environnement hostile.

Elle m’avait conduit à travers des sentiers cachés, évitant les pièges naturels dissimulés sous les feuilles mortes et les lianes pendantes. À chaque halte, elle examinait les environs avec une vigilance animale, s’assurant que nous ne soyons pas suivis ou traqués par quelque prédateur tapi dans l’ombre.

Enfin, nous atteignîmes une clairière où se dressait un village aux huttes rondes et aux toits de chaume. Des regards curieux et méfiants nous accueillirent alors que nous traversions la place centrale, dominée par une statue étrange représentant une divinité mi-humaine, mi-reptile. Des enfants nous observaient avec des yeux grands ouverts, tandis que des adultes aux visages marqués par le soleil et la vie rude échangeaient des murmures étouffés.

Nous fûmes conduits devant le roi de la tribu, un homme imposant dont le torse était orné de colliers faits de dents et d’os. Son regard perçant cherchait à scruter mon âme, évaluant ma valeur d’un simple coup d’œil. A ses cotés se tenait un homme, blanc, dont les avants bras semblaient absents. Je compris alors que l’infortuné allait servir d’interprète. Le roi s’exprima d’une voix grave et autoritaire, révélant la raison de ma présence sur cette île inhospitalière.

« Étranger, tu as pénétré sur notre terre sacrée au moment où notre dieu, Zalthor, a enlevé ma fille bien-aimée. Si tu veux gagner mon respect et éviter la mort, tu dois pénétrer dans le repaire de Zalthor, le vaincre et ramener ma fille saine et sauve. Sinon, tu seras offert en offrande à Zalthor pour apaiser sa colère. »

Les paroles du roi résonnaient comme un jugement implacable. Je sentais le poids de leur attente peser sur mes épaules. Mais au fond de moi, une étincelle de défi s’alluma. J’avais survécu à tant de batailles, à tant d’adversités tout au long de ma vie d’aventurier. Cette épreuve serait-elle ma chute, ou un pied de nez à la mort, une fois encore ?

Sans un mot, j’acquiesçai d’un signe de tête résolu. Les préparatifs pour mon expédition commencèrent immédiatement. On me donna une lance solide et une peau de bête pour me protéger des éléments. Les guerriers de la tribu se réunirent autour de moi, murmurant des prières et des bénédictions dans une langue que je ne comprenais pas mais dont je ressentais l’importance.

La bête

Le chemin vers le repaire de Zalthor était ardu et périlleux. À travers des sentiers escarpés et des gorges profondes, je m’enfonçai dans les montagnes qui semblaient garder jalousement le secret de la créature mi-humaine, mi-reptile. Les murmures des vents soufflant à travers les pics rocheux semblaient porter des avertissements silencieux, mais mon cœur de guerrier ne connaissait pas la peur.

Enfin, j’atteignis l’entrée de la caverne sombre où résidait Zalthor. Une aura de malveillance émanait de l’intérieur, épaississant l’air déjà lourd de l’anticipation du combat à venir. Je pénétrai dans l’obscurité croissante, mes sens en alerte maximale, chaque muscle prêt à réagir à la moindre menace.

La caverne s’enfonçait profondément dans la montagne, ses parois humides et glissantes témoignant d’une vie souterraine que peu osaient explorer. Des ossements blanchis jonchaient le sol, témoins silencieux des sacrifices précédents ou de ceux qui avaient osé défier Zalthor.

Soudain, un rugissement guttural déchira le silence oppressant. Des yeux luisants surgirent de l’ombre, révélant la silhouette terrifiante de Zalthor lui-même. Sa peau écailleuse brillait faiblement à la lumière du crépuscule qui atteignait faiblement le centre de la caverne. Ses griffes acérées et ses crocs redoutables promettaient une mort rapide et brutale à quiconque osait défier sa domination.

Le combat qui s’ensuivit fut une danse mortelle, un ballet de lames et de crocs, de ruses et de coups brutaux. Zalthor était rapide et agile malgré sa taille imposante, esquivant mes attaques et ripostant avec une férocité implacable. Chaque coup manqué faisait vibrer le sol, mais je refusais de fléchir.

À un moment crucial, je réussis à détourner son attention, le guidant habilement vers une zone de la caverne où une fosse naturelle s’ouvrait dans le sol. Dans un reflexe désespéré je l’esquiva in extremis et réussi à plonger ma lame dans son abdomen, repoussant Zalthor en arrière et le précipitant dans l’abîme béant.

Un cri déchirant résonna dans la caverne alors que Zalthor chutait, se perforant sur les stalagmites acérées qui jonchaient le fond de la fosse. Sa silhouette imposante disparut lentement dans les ténèbres abyssales, emportant avec elle la menace qu’il représentait pour la tribu.

Lorsque je remontai à la surface, portant la fille du roi sur mes épaules, la lueur du soleil levant accueillit notre retour triomphal. Les gens du village nous attendaient, les regards mêlés de respect et de reconnaissance. Le roi lui-même s’avança pour me saluer, un mélange de gratitude et de respect brillant dans ses yeux fatigués.

« Maluïn, étranger venu des terres lointaines, tu as sauvé ma fille, sois en remercié. Mais si tu es revenu vivant, c’est que tu as vaincu notre Dieu protecteur, et en cela tu dois être châtié. Tu seras démembré, ébouillanté, puis chaque partie de ton corps sera consommé par la tribu. Ainsi l’âme de Zalthor que tu as volé sera rendu aux siens et pourra choisir un nouvel hôte pour renaitre. »

Je lui répondis donc avec un large sourire, comme pour lui signifier à mon tour la gratitude et l’immense plaisir de partager cette joie de me voir offert en sacrifice à cette noble cause, mais cela n’eut pas l’air de le convaincre. Je me retrouvais donc enfermé et ligoté, pieds et poings liés dans une hutte sous bonne garde. Par chance ces constructions de bois et de pailles n’étaient en rien aussi solide que les habitations taillées dans la pierres des Drelïns. Elles reposaient principalement sur un poteau central d’où partait en rayons des traverses en bois sur lesquelles venaient se déposer un feuillage sec et recouvert de boue séchée.

J’entrepris donc, à la seule force de mes jambes, d’en déterrer le pilier. Le tenant fermement entre mon dos et mes bras entravés je poussais de toutes mes forces tout en tournant autour afin de libérer la terre autour de sa base. J’avais peu de temps bien sûr mais bon espoir d’y arriver. Après une bonne heure de labeur, je n’avais pas pris en compte le poids du toit, je fini par en venir presque à bout.

Un autre petit détail m’avait échappé, presque sans importance dans le contexte de mon évasion. Un grain de sable ou un aléa pourrait on dire. Au dessus de ma tête, depuis le début, pendait accroché à l’une des poutres de la toiture, une lampe. Elle était assez joli par ailleurs, elle avait la forme d’une cruche, percée de trous qui projetait la lumière comme autant de petits rayons de soleil. Mais le principal inconvénient c’est que sa forme n’avait pas été prévu pour être secouée, agitée, brinquebalée en tout sens comme j’étais en train de le faire.

Le sol de nattes séchées s’embrasa aussitôt alors que j’étais encore prisonnier de mon poteau. Sentant monter l’urgence de la situation, avec des mains et un dos de plus en plus moite et glissant, je me hâtais de faire glisser mes liens le long tronc jusqu’en bas. Le feu léchait déjà mes pieds et commençait à se répandre sur les murs. La fumée, elle, avait envahie la hutte et s’échappait par tout les interstices, un peu comme une cheminée bouchée. A l’allure où cela allait j’allais finir cuit à l’étouffée et servit en guise de petit déjeuner.

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